dimanche 12 octobre 2008

Et tout à coup Wall street devint communiste...



Les dirigeants politiques et économiques actuels pensent ou feignent de penser que la crise n'est que superficielle.
Qu'il suffit de "regagner la confiance" comme on n'a de cesse de l'entendre. Mais attention, pas notre confiance à nous, les citoyens. Non, la confiance des marchés financiers, ceux-là même dont on nous rabâchent qu'ils "jouent" avec "émotion"," irrationalité", "mimétisme" etc... avec le fric des autres (accessoirement le notre).

Cela dit, ils devraient pourtant avoir confiance les mecs.
Après les délocalisations vers des pays sans démocratie où la main d'œuvre est docile et bon marché, après les dividendes faramineux aux actionnaires au détriment de l'investissement et des salariés, après les spéculations irresponsables sur les matières premières qui ont affamé impunément des dizaines de milliers d'être humains... voici venu le temps du parachute doré version XXL pour tout le système (faire diversion sur trois patrons dégueus, c'est tout de même un peu facile).
Les profits ont été privatisés mais, pas de panique, les pertes seront nationalisées.
Du jour au lendemain, Wall street devient communiste et j'ai une pensée émue pour Jean-Pierre Gaillard, parce c'est quand même un peu Marx qui se fout de la gueule d'Adam Smith.
Tout ça alors qu'on avait bien craché sur l'État. Un machin rétrograde dont il fallait à tous prix réduire le périmètre. Bonjour le hold-up ! (et condoléances à la démocratie !).

Alors, à not' niveau, que peut-on faire ?
Faire confiance à la droite qui, en dehors des quelques atermoiements erratiques de Sarkozy, ne propose qu'un modèle libéral finalement très traditionnel.
Se tourner vers le PS qui vient juste, en juin dernier, de faire -vraiment- sa conversion théorique à l'économie de marché (et hop, encore une balle à contre-pied) ?
Prendre au sérieux Besancenot et son conservatisme protestataire ?En tous cas, il est urgent d'engager la bataille idéologique comme dit Rocard (j'aime bien Rocard, dommage que ce ne soit pas un homme politique), ça oui.
Mais surtout d'en mettre un coup côté Europe.

L'Europe : ce dernier grand projet politique ambitieux que Monnet, de Gasperi, Schuman et Adenauer avaient osé concevoir à l'issue de la seconde guerre mondiale (qui, souvenons-nous, avait elle-même pris racine sur le chaos hérité de la crise financière de 29, CQFD...) pour nous épargner de nouveaux conflits meurtriers.
Avec une remarquable habileté politique, les pères fondateurs avaient à l'époque conjugué idéalisme et réalisme, et posé les bases d'une économie commune pour incarner cette Europe au plus vite dans la vie quotidienne des peuples. Les amener à échanger, être interdépendants et avoir confiance les uns dans les autres. D'ailleurs, ça a parfaitement bien marché. Depuis une soixantaine d'années, ne vivons-nous pas en paix ?

Après le marché commun, la responsabilité de leurs successeurs était de poursuivre, approfondir et accoucher d'une Europe politique.
Hélas...
On le sait, ces successeurs ne se sont pas vraiment montrés à la hauteur de la tâche, quand ils n'ont pas tout simplement passés leur temps à se défausser sur l'Europe, à grands renforts de « Bruxelles par-ci, Bruxelles par là », pour excuser leur incurie nationale.

Aujourd'hui, alors qu'une autre crise financière ravive les plus mauvais souvenirs de 29, les pays européens tentent de s'entendre et faire front commun. Très bien. Mais peut-on espérer que cela aille au delà du seul rétablissement de la confiance sur les places financières ? Peut-on espérer que les élections européennes qui se tiendront dans moins d'un an, ne battent pas un nouveau record d'abstention et se mettent à passionner les citoyens ?

Faut vraiment se grouiller à construire cette Europe politique. Car tout le monde sent bien qu'au-delà de la crise conjoncturelle, il y a aussi une crise beaucoup plus profonde et qu'on ne pourra trouver des solutions qu'au niveau supra-national.
Mais tant que les dirigeants renverront aux citoyens une image déformée de la réalité de ce qu'ils sont en train de vivre, tant qu'ils chercheront le confiance des marchés financiers plutôt que celle des citoyens, l'Europe sera retardée et la démocratie éclipsée.

Faut se grouiller aussi parce que derrière la crise actuelle se joue aussi un peu de l'effondrement de l'empire américain. Et l'Europe devra être prête à faire face à ce que cela risque d'engendrer. A ce sujet, il y a quelques jours dans Le Monde, les propos d'Immanuel Wallerstein, chercheur au département de sociologie de l'université de Yale, sans doute volontairement exagérés, étaient malgré tout, sans ambiguïté : "les maîtres du système vont tenter de trouver des boucs émissaires à l'effondrement de leur hégémonie. Je pense que la moitié du peuple américain n'acceptera pas ce qui est en train de se passer. Les conflits internes vont donc s'exacerber aux Etats-Unis, qui sont en passe de devenir le pays du monde le plus instable politiquement. Et n'oubliez pas que nous, les Américains, nous sommes tous armés..." Brrrrr....

[J'ajoute CECI pour l'anecdote. Et parce que ce serait drôle si ce n'était pas tellement consternant.]

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